Les Malouins au Yémen : ça c’est fort de café !

Avant mes études à Rennes et mon débarquement à Paris je vivais dans le quartier Moka à Saint-Malo. Drôlement caféiné comme nom de quartier n’est-ce pas ? Une raison à cela : le commerce du moka au début du XVIIIe siècle qui permet à la cité corsaire de s’enrichir et de s’affirmer comme l’un des plus grands ports au monde. Non non je n’exagère pas, lisez plutôt la suite …

De l’or en grains venu du Yémen

Situé à l’extrémité sud du Yémen, Moccha est le plus ancien port d’exportation de café (produit quasi-unique exporté depuis cette région au XVIIe et au XVIIIe siècles). Déjà consommé en Afrique, au Moyen-Orient et dans l’Empire ottoman, les européens découvrent cette nouvelle boisson au XVIe siècle grâce aux vénitiens. C’est à Constantinople à la fin du XVIe siècle puis à Vienne au XVIIe siècle que l’on sert les premiers mokas dans des cafés. La consommation de café s’intensifie et fait le bonheur de la Compagnie française pour le commerce des Indes orientales chargée de mener les expéditions commerciales en Orient et d’importer toutes sortes de produits tels que le poivre ou les tissus venus d’Inde ou de Chine. Le moka s’achète avec des Piastres, monnaie couramment utilisée par l’Occident pour négocier au sein de ses comptoirs orientaux.

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Créée en 1664 par Colbert, la Compagnie des Indes orientales connaît son apogée suite au règne de Louis XIV et concurrence fortement les autres compagnies européennes (notamment celles des hollandais et des anglais). De plus, elle affirme la puissance maritime française dans l’Océan indien avec la constitution de plusieurs comptoirs et la colonisation de plusieurs îles comme Bourbon (l’actuelle île de la Réunion), Madagascar ou l’île Maurice (anciennement l’île de France).

Le café : un coup de fouet commercial pour Saint-Malo

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En France, c’est du port de Saint-Malo que la première expédition commerciale part vers Moccha  entre 1708 et 1710. Sous la houlette de corsaires malouins, les vaisseaux le Curieux et le Diligent sont désignés par la Compagnie des Indes pour revenir les cales pleines de moka. Deux autres expéditions sont organisées en 1711 et en 1715, toujours au départ de la cité corsaire enrichissant notamment la société malouine Crozat. Lors de leurs longs voyages (il fallait contourner toute l’Afrique), les équipages ont réussit à rançonner des navires anglais et hollandais (prise de la cargaison et des vaisseaux) faisant le bonheur des négociants : les fameux Messieurs de Saint-Malo ; confortant la renommée du port auprès de la Cour royale. Ces expéditions auront pour conséquence la culture du café sur l’île Bourbon par la Compagnie malouine qui obtient en 1722 le monopole d’importation du café dans le royaume. Le café Bourbon fut très prisé jusqu’au milieu du XVIIIe siècle (« la monnaie café » était d’ailleurs utilisée sur l’île) puis vite concurrencé par Saint-Domingue et malmené par des catastrophes climatiques.

La décadence de la Compagnie des Indes orientales et celle de Saint-Malo par la même occasion ainsi que l’arrêt des armements corsaires au début du XIXe siècle mettront un terme à ce commerce.

A savoir : aujourd’hui les plus gros producteurs de café sont le Brésil, le Vietnam et la Colombie.

Je vous invite tout naturellement (si ce n’est déjà fait!) à lire l’ouvrage emblématique de Bernard Simiot : « Ces Messieurs de Saint-Malo » qui retrace la saga des Carbec, famille fictive de riches négociants malouins au temps de la Compagnie des Indes orientales. Ouvrage récompensé par l’Académie française et publié aux éditions Albin Michel.

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Pour en savoir plus sur les relations commerciales entre Saint-Malo et le Yémen, je vous conseille vivement de lire « Les Corsaires sur la route du café » le dernier ouvrage de Jean-Pierre Brown, ancien conservateur des bibliothèques de Saint-Malo. Préfacé par Etienne Taillemite, ancien Conservateur en Chef des Archives de la Marine aux Archives Nationales, il est publié aux Editions Cristel.

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