Quand la grève du Sillon est devenue une plage …

Que serait Saint-Malo sans le Sillon ? Plage emblématique de la cité corsaire depuis l’avènement du tourisme balnéaire au XIXe siècle, le Sillon, longue de 3 kilomètres, permet de relier facilement Paramé au Rocher (Intra-muros). Si les guides touristiques vantent aujourd’hui les méritent de cette plage où l’on peut s’adonner à différentes activités comme le surf, avant 1840, le Sillon était bien une grève. Explications. 

En Bretagne, la grève est un lieu d’échouage pour les bateaux et un lieu consacré aux activités traditionnelles et aux professions liées à la pêche, au ramassage du goémon ou du sable. Le Sillon a donc été le lieu de travail de la population locale qui avec l’arrivée des touristes a été priée d’arrêter ses activités.

Le ramassage du Goémon sur la grève du Sillon

Le ramassage du Goémon sur la grève du Sillon

Pour autant les pêcheurs et les ramasseurs de goémon se reconvertissent et profitent de l’arrivée massive de touristes pour commercialiser de nouvelles espèces de poissons à prix forts. La population locale diversifie ses activités et se reconvertit en ouvrant des commerces : bureaux de tabac, magasins d’articles de plage, ateliers de photographie, agences immobilières, chausseurs, épiceries, boutiques de costumes de bain, parfumeries, location de cabines sur la plage, kiosques à journaux, magasins de jouets … Certains deviennent maîtres-nageurs, maîtres d’hôtels ou surveillants de bains et d’autres s’improvisent marchands de souvenirs ou guides touristiques.

Carte postale de la grande plage du Sillon et l'hotel Bristol

Carte postale de la grande plage du Sillon et l’hotel Bristol

La grève du Sillon est devenue une plage progressivement, un vrai terrain de jeu en somme où l’on a vu apparaître des nouvelles activités venant tout droit d’Angleterre. L’histoire du tourisme balnéaire malouin est avant tout associée à l’arrivée des Anglais sur la Côte d’Emeraude depuis la création de la ligne de navigation régulière entre Southampton et Saint-Malo en 1840. Des milliers de voyageurs britanniques débarquent deux à trois fois par semaine des steamers sur le quai Saint-Louis à hauteur de la Grande Porte. Le traité sur le commerce franco-anglais en janvier 1860 renforce le tourisme britannique sur la Côte d’Emeraude. La grève du Sillon est alors le théâtre de courses hippiques, certains y jouent au tennis, d’autres entretiennent leurs corps ou jouent au golf. Sur l’eau, les plus téméraires s’entraînent sur des bateaux de plaisance ou de pêche, sur des baleinières, sur des yoles à huit avirons ou encore sur des périssoires pour participer aux célèbres régates de Cancale dès 1845.

Carte postale ancienne de Saint-Malo. Vue sur le Casino et le Grand Hôtel de Paramé

Carte postale ancienne de Saint-Malo. Vue sur le Casino et le Grand Hôtel de Paramé

La grève disparaît au profit de la plage et devient un espace hiérarchisé et organisé après avoir été longtemps le lieu de durs labeurs. Le Sillon devient dès lors « the place to be » où il est bon d’y être pour voir et être vu. Le panorama qu’offre le lieu sur le Grand Bé, le Petit Bé, Cézembre, le phare du Grand Jardin, le Fort National, le Roc aux dogues et le Fort de la Grande Conchée fait du Sillon un endroit unique de villégiature. D’ailleurs les villas se construisent à vitesse grand V à proximité de la plage sans parler de la construction de la digue, d’hôtels et d’établissements de bains. Des zones précises sont réservées sur la plage avec la mise en place d’emplacements payants avec location de matériel obligatoire. De 14h à 17h durant la haute saison, la grande plage de Saint-Malo est un véritable salon où se réunit toute la société élégante. La municipalité contrôle la mixité des bains qui est alors interdite. Trois espaces prennent forme : l’un pour les hommes qui se baignaient nus à l’époque, l’un pour les femmes et le troisième pour les familles.

A savoir, la plage de Bon Secours au pied des remparts est fréquentée alors par une société plus modeste et plus locale.

Devenue un véritable lieu de la bourgeoisie étrangère et parisienne, le Sillon ne ressemble plus à la grève qu’elle était alors.

La plage du Sillon recouverte par la mer aujourd'hui

La plage du Sillon recouverte par la mer aujourd’hui

Le départ des étrangers à partir de 1914 et jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale de la Côte d’Emeraude au profit de la Côte de Granit Rose annonce une certaine démocratisation du tourisme. Dans les années 1920, des initiatives publiques permettent d’aménager des lieux d’accueils moins onéreux pour une clientèle plus populaire. L’apparition des congés payés en 1936 confortera la municipalité dans ce sens pour attirer sur le Sillon d’autres populations afin de ne plus faire de Saint-Malo une station balnéaire mondaine …

Plus d’infos sur le site de l’Office de Tourisme de Saint-Malo

Mélusine à Paris

Une bretonne à Paris

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *